Célébrités 1997 : Héros d'aventures.
Lancelot Cyrano Pardaillan
Le capitaine
Fracasse
D'Artagnan Le Bossu

Lancelot

Amour et chevalerie fournissent à la fois le cadre et le sujet de l'histoire de Lancelot ou le Chevalier à la charrette. Composé par Chrétien de Troyes vers 1170, cet immense poème d'environ sept mille vers octosyllabiques est l'une des plus importantes œuvres de littérature de chevalerie de cette époque. C'est la protectrice de Chrétien de Troyes, Marie de France, fille de Louis VII et d'Aliénor d'Aquitaine, qui fournit le sujet au poète. L'histoire, qui s'inscrit dans la tradition des romans gallois et anglo-normands, commence à la cour du roi Arthur. La femme de ce dernier, la reine Guenièvre, enjeu d'un duel, est emprisonnée par le roi Méléagant. Des chevaliers - et parmi eux, Lancelot - entreprennent de la délivrer. Après de nombreuses aventures au cours desquelles Lancelot fit les preuves de sa bravoure et de sa loyauté, le preux chevalier parvient à la libérer, non sans humiliation. Il dut en effet monter dans une charrette, véhicule qui servait de pilori aux malfaiteurs. Après l'avoir dédaigné, Guenièvre lui avoue son amour. La reine rejoindra la cour de son époux. Lancelot sera retenu en captivité puis, libéré, tuera Méléagant en duel.

Le héros réussit à concilier amour et gloire, termes que l'on opposait alors dans l'idéal chevaleresque car ils obéissaient à des codes opposés. Il semblait en effet difficile de les respecter simultanément, l'amour éloignant des entreprises généreuses et la loyauté envers son roi excluant le parfait amour. Chez Lancelot, c'est la passion qui nourrit sa bravoure. Il doit d'autant plus au roi Arthur qu'il le trompe quotidiennement.

L'œuvre de Chrétien de Troyes a inspiré divers auteurs et donné naissance à d'autres versions de Lancelot. Le poète allemand Ulrich Von Zatzikhofen compose vers 1200 Lanzelet. Lancelot est ici fils de roi et est élevé par une fée des eaux, d'où son surnom Lancelot du Lac. A la même époque, on trouve une vaste compilation en prose française qui relie l'histoire de Lancelot à une autre grande œuvre La Quête du saint Graal. Le personnage est encore repris au XIXèmesiècle par l'anglais Alfred Tennyson dans les Idylles du roi. Plus près de nous, Jean Cocteau écrivit une pièce en trois actes représentée en 1937 : Les Chevaliers de la Table ronde. Dans cette œuvre, la passion est encore de mise mais d'autres sentiments sont jetés sur la scène : le goût de la vérité - Lancelot veut avouer à Arthur l'amour qu'il voue à la reine - et celui de la réalité : Lancelot désire "un vrai bonheur, un vrai amour".

Les multiples adaptations littéraires et les nombreuses variations cinématographiques de Lancelot ont fait entrer ce conte merveilleux dans notre patrimoine culturel mondial.

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Cyrano

Tout à la fois bretteur et poète, brave et tendre, grandiloquent et mélancolique, meneur d'hommes et cœur sensible... Cyrano de Bergerac est l'un des personnages les plus populaires de la littérature française. Et bien davantage : un héros qui, au-delà de l'œuvre d'Edmond Rostand, appartient au patrimoine national, au point d'incarner le panache à la française, mélange de courage, de dévouement, d'éloquence et de pudeur dissimulée sous une brutalité de façade.

Ce personnage célèbre entre tous n'a pas été créé de toutes pièces par Rostand. Il est inspiré de Savinien de Cyrano de Bergerac, un brillant homme de lettres du XVIIèmesiècle, poète acide, dramaturge et philosope libertin, réputé pour ses œuvres mais aussi pour sa vaillance, ses frasques, son esprit... et son nez fort important.

Le Cyrano de Rostand est, en quelque sorte, une réplique enjolivée de l'original, dont l'auteur a forcé le trait pour enrichir le pittoresque et le brillant du personnage. C'est ainsi que le Cyrano imaginaire est devenu ce gascon à l'éblouissante faconde que nous connaissons tous, aussi prompt à tirer l'épée qu'à lancer un bon mot, pourfendant mensonges et lâchetés, débordant d'un amour que son physique ingrat - ce fameux nez, ce "cap", cette "péninsule"... - l'empêche d'avouer à l'élue de son cœur.

Faute de pouvoir séduire Roxane, Cyrano prête ses sublimes tirades à Christian de Neuvillette, jeune baron aussi beau que dénué d'esprit. L'un apporte ses mots, l'autre son visage. Et Roxane tombe éperdument amoureuse de ce double soupirant qu'elle croit unique. Quand Christian meurt au siège d'Arras, Roxane pleure de chagrin sur sa dernière lettre, écrite en réalité par Cyrano. Celui-ci s'interdit de révéler la comédie à Roxane, devient son fidèle confident et, comble du panache, se laisse consumer peu à peu par son indicible passion, jusqu'à emporter le secret dans la mort, à l'issue d'une scène finale qui atteint le sommet du pathétique.

Depuis sa création en 1897, la pièce d'Edmond Rostand, né à Marseille en 1868 et mort à Paris en 1918, n'a cessé d'être jouée au théâtre - et a été portée maintes fois à l'écran -, invariablement saluée par un succès populaire qui franchit les générations.

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Pardaillan

Pardaillan, protagoniste d'une grande saga romanesque, est le héros archétypal du roman de cape et d'épée plein de rebondissements : les aventures échevelées succèdent aux coups de théâtre et retournements de situation. Jean de Pardaillan est à l'image de son créateur Michel Zévaco bretteur, il aime croiser le fer. Cet écrivain français (1860-1918) avait fait ses armes dans le journalisme en devenant rédacteur du quotidien anarchiste L'Egalité. Polémiste virulent, Zévaco eut des démélés avec le pouvoir. Ses violentes critiques lui valurent même un séjour en prison. La quarantaine atteinte, Zévaco baisse la garde et se met à écrire des feuilletons historiques pour nourrir ses cinq enfants. Il aiguise sa plume dans La Petite République socialiste puis propose ses feuilletons au journal Le Matin qui s'en fera une spécialité prestigieuse.

Au faîte de son art, Michel Zévaco écrivit une trentaine de titres. Parmi ceux-ci les aventures de Pardaillan formeront un cycle passionnant avec Les Pardaillan, L'Epopée d'amour, La Fausta, La Fausta vaincue, Pardaillan et Fausta, Les amours de Chico, Le Fils de Pardaillan, La Fin de Fausta. L'épopée que raconte Zévaco fourmille de personnages. Entre 1553, date où commence l'action, jusqu'en 1614 où elle s'achève sous la régence de Marie de Médicis, Pardaillan croisera tous les grands de ce monde : Catherine de Médicis, le duc de Guise, Louis XIII et Concini, Henri IV et Philippe II, le pape Sixte Quint et même Cervantès. C'est Jean de Pardaillan, chevalier brave et généreux, qui donnera toute l'unité et tout son sens au roman. Déjouant les complots et soutenant les couronnes, il doit affronter sa plus redoutable adversaire, la princesse Fausta, descendante de Lucrèce Borgia et qui aspire au trône de France. D'abord séduit - Pardaillan lui donnera un fils - le héros parvient à déjouer ses manœuvres malveillantes. L'un et l'autre disparaîtront dans une explosion combinée par Fausta.

Quelle image Pardaillan nous laisse-t-il de lui-même ? Celle d'un bon vivant, ami de tous, celle d'un homme libre et droit qui n'accepte aucune compromission ni aucune servitude. Zévaco en a-t-il fait le porte-parole de ses propres aspirations en mélangeant le "réel" politique à la fiction romanesque.

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Le capitaine Fracasse

De Plaute à la Commedia dell'arte, le personnage du capitaine Fracasse a traversé toutes les époques. Mais c'est sous la plume de Théophile Gautier qui ce héros picaresque a acquis ses lettres de noblesse en France. Gautier a fait ainsi partager par des générations d'enfants - petits et grands - les aventures de l'éternel matamore, soldat vagabond, bravache mercenaire, toujours à la solde de celui qui paiera le mieux et jamais en reste de rodomontades.

Le capitaine Fracasse de Théophile Gautier vit dans la France de Louis XIII et Richelieu. Voici l'histoire. Le jeune baron de Sigognac, dernier héritier d'une noble famille gasconne, vit dans la misère et la mélancolie, entre les murs de son château délabré. Une troupe de comédiens lui demande l'hospitalité et le persuade de quitter la demeure de ses ancêtres. L'un des comédiens, qui jouait le personnage de Matamore, vient de mourir en chemin. Sigognac le remplace, modifie légèrement l'habillement classique de Matamore et entre ainsi dans la peau du capitaine Fracasse.

Le jeune baron est méconnaissable sous les traits de Fracasse, avec son nez rouge constellé de verrues, ses sourcils circonflexes et sa moustache recourbée "comme les cornes de la lune". Si, sur les planches, Fracasse est bien le bravache poltron de la Commedia dell'arte, le jeune Sigognac est, à la ville, une sorte de Don Quichotte courageux. Amoureux de l'ingénue Isabelle, l'une des actrices de la troupe, il la défend, au péril de sa vie, lors des tentatives d'assassinat fomentées par le duc de Valombreuse. Coup de théâtre : Isabelle se révèle fort bien née et apparentée au duc. Sigognac, ne voulant pas passer pour un coureur de dot, se retire dans son château. Mais tout est bien qui finit bien : le jeune baron épouse Isabelle et, grâce à l'appui de son père, redore le blason terni de ses ancêtres.

Né à Tarbes en 1811 et mort à Neuilly-sur-Seine en 1872, Théophile Gautier était à la fois poète (salué par Baudelaire comme le "poète impeccable"), auteur de chroniques (sur ses voyages en Orient et en Espagne) et romancier. Outre Le Capitaine Fracasse (1863), il est l'auteur d'Arria Marcella (1852), du Roman de la Momie (1858) et du Spirite (1866).

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D'Artagnan

Entre fiction et réalité, Alexandre Dumas campe, dans son roman Les Trois Mousquetaires, un personnage haut en couleurs qui connut autant de succès que Robinson Crusoë plus d'un siècle auparavant : d'Artagnan. Protagoniste de la trilogie romanesque Les Trois Mousquetaires (1844), Vingt ans après (1845) et Le Vicomte de Bragelonne (1848), d'Artagnan est un personnage réel. Ce sont Les Mémoires de Monsieur d'Artagnan, œuvre de Gatien Courtilz de Sandras (1700), qui fourniront la chair du roman de Dumas écrit en collaboration avec l'historien Auguste Maquet. Les mémoires du XVIIèmesiècle, les Historiettes de Tallemant des Réaux ont donné à l'écrivain mille détails sur la vie à la cour de France sous Louis XIII. En forçant un peu la vérité historique par quelques libertés de romancier, Alexandre Dumas fait de l'histoire de France à la fois le décor et l'action du roman. D'Artagnan, gentilhomme gascon sans fortune, qui ne devait être dans l'esprit de son créateur qu'un personnage secondaire, était si débordant de vie que sitôt apparu, il "obligera" le romancier à se plier à ses caprices.

Entreprenant, ambitieux et rempli d'une pétulance fanfaronne, d'Artagnan incarne la bravoure mais, comparé à ses compagnons aux caractères plus tranchés, il fait preuve d'une certaine souplesse. Athos personnifie la noblesse, Aramis, la ruse et Porthos, la force. Dans l'épisode principal du roman, les quatre mousquetaires vont sauver la reine Anne d'Autriche des manœuvres de Richelieu. A cette fin, ils se rendent en Angleterre pour quérir auprès de l'amant de la reine - Buckingham - les ferrets de diamants qu'elle lui avait donnés et que le roi l'invite à porter au prochain bal de la cour. Cette idée avait été suggérée au roi par le perfide cardinal. Dans cette aventure, les mousquetaires se heurtent aux agents du cardinal et à une redoutable espionne Milady, ancienne épouse d'Athos. Grâce à d'Artagnan, les ferrets parviendront à temps à la reine.

L'œuvre de Dumas prend naissance dans une société prête à s'attendrir et à s'enthousiasmer pour le sort d'autres hommes et surtout pour un héros à la fois victime et triomphateur. Elle trouve un public déjà bercé par les chroniques et mémoires historiques publiés au début du XIXèmesiècle. Avec Les Trois Mousquetaires, Alexandre Dumas créait un genre nouveau. Fondateur du roman historique, il devait en rester le modèle. L'aisance du récit, l'abondance des péripéties, l'imagination débordante de son auteur ont valu un prodigieux succès à ce roman qui demeure l'un des plus lus dans le monde entier.

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Le Bossu

"Si tu ne vas pas à Lagardère, Lagardère ira à toi !". Qui ne connaît la célèbre apostrophe lancée par le chevalier Lagardère à l'assassin masqué du duc de Nevers ? Personnage emblématique du roman de cape et d'épée, maintes fois porté à la scène et à l'écran, le justicier créé par Paul Féval a conquis la postérité.

Qui est Lagardère ? Une âme noble qui fait triompher le bon droit dans la société corrompue de la Régence. Jeune, grand, arborant une fine moustache et une bravoure inégalée, il est le protecteur d'Aurore de Nevers, jeune orpheline dépouillée de ses biens, dont le père a été traîtreusement assassiné par Philippe de Gonzague. Celui-ci a épousé la veuve de Nevers et vainement fait rechercher la petite Aurore, car un arrêté du Parlement suspend l'héritage de la fortune paternelle.

Pour venger Aurore et retrouver l'assassin de son père, Lagardère s'introduit dans la haute société de la Régence sous le déguisement d'un bossu. Il accède ainsi à la cour de Gonzague, où sa bosse sert de table improvisée aux agioteurs, saisis par la frénésie de spéculation qui caractérise l'époque. Epiant les uns et les autres, le bossu se glisse partout sans être suspecté, déjoue les plus noirs complots et ne se démasque qu'à l'heure de la vengeance. Manquant périr plusieurs fois dans d'épiques aventures, il parvient à faire éclater la vérité sur l'assassinat de Nevers. Et quand Gonzague, confondu aux yeux de tous, s'élance sur lui, Lagardère lui porte la fameuse botte de Nevers. Epilogue : l'intrépide justicier épouse Aurore, qui a repris possession de son nom, de sa fortune et de sa dignité.

Né à Rennes en 1817 et mort à Paris en 1887, Paul Féval est, avec Alexandre Dumas, l'un des pères du roman de cape et d'épée. Feuilletoniste comme l'auteur des Trois Mousquetaires, il se fit connaître par ses publications quotidiennes dans les journaux qui ont donné naissance à de grands romans populaires : Les Amours de Paris (1845), Le Fils du Diable (1846-1847), Les Mystères de Londres (1848). En 1858 paraît Le Bossu suivi du Chevalier Lagardère et d'un drame en cinq actes également intitulé Le Bossu. Converti au catholicisme à la fin de sa vie, Paul Féval écrivit alors son autobiographie, Les Etapes d'une conversion.

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